Chronique

Historique et chronologie

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Evin-Malmaison: PIG Metaleurop:

des avancées oui, mais encore

tellement à obtenir

PUBLIÉ LE 23/03/2016

Par Anne-Claire Guilain

En 2014, l'association PIGE (Pour l'intérêt général de Évinois) voyait le jour pour défendre les habitants face à l'extension du PIG, ce périmètre pollué aux métaux lourds autour de l'ancien site Metaleurop. Aujourd'hui, des avancées ont été entérinées par la sous-préfecture... mais le combat est loin d'être fini.


 

Des avancées significatives.PIGE n'a pas encore deux ans, mais a déjà fait un joli bout de chemin. Et l'association peut se satisfaire d'avoir, en peu de temps, obtenu des engagements de la sous-préfecture, notamment en termes de santé publique avec la mise en place de dépistages, mais aussi concernant les prises en charge par l'État des analyses et dépollution des sols situés en PIG Metaleurop.

Une satisfaction pour Bruno Adolphi et Florian Krolikowski,
respectivement président et vice-président de PIGE... mais qui

sont loin de vouloir en rester là.

2Lenteurs administratives et manque de communication. Parce que des avancées c'est bien, mais les faire connaître, c'est mieux. «Il faudrai t mettre en place une méthodologie, un genre de mode d'emploi à destination des habitants ou des nouveaux habitants pour savoir ce qu'ils doivent faire face au PIG » , explique Bruno Adolphi, qui déplore le manque cruel de communication autour des avancées obtenues. « En mairie, ils ne sont pas vraiment au courant. Et il n'y a eu aucune lettre d'information pour expliquer les nouvelles dispositions », poursuit le président.

C'est pourquoi le 14 mars dernier, au cours d'une commission extra-municipale autour des questions d'environnement, une motion a été signée, à la fois pour faire état des avanc ées mais aussi pour demander plus de communications autour du sujet.

Par ailleurs, Bruno Adolphi a sollicité à plusieurs reprises la sous­ préfète afin qu'une réunion du comité de suivi soit mise en place.

« Il doit se rassembler tous les six mois, mais il est bien indiqué que l'on peut solliciter une nouvelle réunion à n'importe quel moment. Or, là, je n 'ai toujours pas de nouvelle et la dernière réunion a eu lieu en novembre. »

Pourtant, l'association PIGE a eu connaissance de changement :

« on sait que /'ARS (agence régionale de santé) a lancé un appel d'offres pour trouver un laboratoire qui s'occuperai t des dépistages cadmium. On pense que l'ADEME a fait de même pour le décapage des sols et un fournisseur de terres propres ... Mais personne ne nous l'a confirmé officiellement ».

3 Et les compensations financ ières ? Et l'association PIGE a encore bien d'autres chats à fouetter, et d'autres combats à mener. Notamment en termes de compensations financières : d'une part concernant la dévaluation des maisons situées dans le PIG, et d'autre part autour d'une baisse éventuelle des impôts fonc iers et locaux.

Si pour la première revendication, il faudra sans doute en passer par la justic e ( PIGE a fait appel à un avocat), pour la seconde, quelques leviers, notamment politiques, sont à actionner. Et les membres de l'association s'apprêtent à mettre un coup de pression pour faire changer les choses aussi, du côté du porte­ monnaie.

Des avancées? Quelles avancées?

  • Dépistages gratuits du cadmium : tous les Evinois âgés de plus de 40 ans et résidant sur le secteur depuis plus de 15 ans seront

dépistés gratuitement. Mais pourquoi pas le plomb ? « Les dépistages sur les enfants ont dévoilé des taux très faibles. Cela n'a donc pas été retenu, on le regrette », explique M. Adolphi.

  • Des constructions désormais possibles : avant, en PIG 1000, impossible de faire construire. Désormais, la sous-préfecture accorde plus de souplesse : dans les zones de dents creuses ou pour des extensions d'habitations existantes, ou encore pour des

«déconstruction-rec onstruction avec changement de destination

».

  • Des prises en charge par l'État : en effet, les analyses de sol ainsi que le capage des terrains les taux en plomb et cadmium dépassent la norme, seront en tout ou partie pris en charge, « mais seulement pour les gens qui déposent un permis de construire ».

  • Une nouvelle carte établie : les analyses des sols permettront à la DREAL d'établir une nouvelle cartographie à partir des relevés. Histoire d'être au plus proche de la réalité concernant la pollution.

Une action choc en préparation

Pour obtenir une baisse des impôts locaux et fonciers sur la commune d'Évin-Malmaison, l'association PIGE sait qu'il faudra frapper un grand coup, et être nombreux à le faire.

Pour motiver les troupes, Bruno Adolphi, le président, s'appuie sur la jurisprudence. « Un monsieur de Paris a obtenu la baisse de 15 % environ de ses impôts locaux suite à une pollution due au dépôt de locomotives diesel juste à côté de son jardin » , explique-t-il en sortant un article de presse du Parisien. Les deux hommes sont d'ailleurs entrés depuis en contact pour échanger sur leurs expériences. « Nous, on va demander une baisse de 25

% en argumentant que la mise en place du PIG sur notre commune a engendré des inconvénients notoires (dévaluation de notre patrimoine, légumes du jardin impropres à la consommation...) qui ne sont compensés par aucun avantage... rien du tout » .

La sous-préfète a déjà indiqué que cette baisse des impôts locaux n'était pas de son ressort. De leurs côtés, le député Philippe Kemel et la maire d'Évin-Malmaison, Valérie Petit, auraient sollicité le ministre du budget sur cette question.

Mais PIGE est prête à mettre en place une action d'envergure, auprès de l'ensemble de la population. « Nous allons sans doute organiser courant mai, une réunion publique pour déterminer de l'action à venir. Il faut que l'on soit nombreux pour taper un

grand coup » . À suivre donc ...


21/11/2015                    



ÉVIN-MALMAISON







Bruno Adolphi et l'ensemble des Evinois, attendent « un cadeau de Noël » avant la fin de l'année : le dégrèvement de la valeur locative de leurs terrains pollués.

C'est la principale bataille menée par l'association de défense de l'intérêt qénéral évinois : faire reconnaître par les services fiscaux, la perte de la valeur locative de leurs terrains en raison de la pollution des sols. Un premier pas vers une baisse des impôts fonciers. Loin d'être gagné même si le cas de figure est prévu dans le code des impôts. Problème :

« pour /es services fiscaux, les sols ne se sont pas dégradés

depuis les années 70.

C omment admettre une réponse aussi affolante ? »,s'interroge Bruno Adolphi,président de l'association.

L'.État a pourtant établi depuis 1999 un PIG reconnaissant explicitement la pollution. Un arqument aurait pu jouer : la mise en place un plan de prévision des risques technologiques liés à l'activité de l'usine.

Mais, ni Évin-Malmaison, ni aucune autre commune proche n'ont fait cette démarche, remarque Bruno Adolphi. « J'ai posé la question, je n'aijamais eu de réponse. »


Le combat prend un tour judiciaire. 135 foyers ont déposé au greffe du tribunal administratif un dossier réclamant une baisse de 25 % de la valeur locative de leurs terrains. Sans le concours d'avocats. Trop onéreux.


Loi de finance rectifiée

Du coup, les requérants vont devoir établir un mémoire en défenses seuls. « Il faudrait peuttre l'appui de quelqu'un qui connaît la magistrature », sonde Floryan Kornikowski, vice-président.

Un autre fer, léqislatif celui-là, est aqité au feu :avec le concours du ministre du Budqet, le député de la 11e circonscription tente de faire reconnaître la perte de la valeur locative par un amendement dans la loi de finances rectificative votée le mois prochain.

Le but est d'obtenir une réponse rapide du ministère de !'Économie, « on devrait l'avoir d'ici le 15 décembre », estime Philippe Kemel. Bruno Adolphi :« Décembre est un mois festif, (espère que vous nous apporterez notre cadeau de Noël, M. le député ! »

Le point sur les autres dossiers

  • Dépistage au cadmium :pas de nouvelles. C'est acquis depuis octobre 2015 : un dépistage au cadmium va être organisé pour les plus de 40 ans, résidant depuis plus de 15 ans dans la commune. « Nous ne savons pas quand », regrette Bruno Adolphi.

  • Décaissement des terres polluées :du neuf. Un guide édité par l'État et distribué aux particuliers détaillera avec précision dans quelle zone du PIG se situe chaque parcelle communale :Z1 (supérieur à 1000 ppm de plomb et 20 ppm de cadmium) ou Z2 (>500 ppm de plomb et entre 20 et 50 ppm de cadmium). Les habitants en ont besoin comme l'ont montré les débats lors de l'AG. Date de sortie inconnue.

Les entreprises charqées des opérations de décaissement ont été désiqnées : Geopole pour l'analyse des sols, Ambre pour le décapage,Ortec pour les terres de remplacement.

  • Enquête publique. Courant jusqu'au 5 décembre, elle concerne l'intégration du PIG dans le plan d'urbanisme intercommunal du SIVOM des 5 communes (Évin-Malmaison, Noyelles-Godault, Courcelles-les-Lens, Leforest, Dourges). « C'est important de donner son avis »,rappelle l'association.


  • Agrément. L'.association compte 177 couples adhérents, soit plus de 300 membres.

« On sera 400 en 2017 », prédit Bruno Adolphi. Le bureau a été modifié, intégrant deux nouveaux membres, par ailleurs spécialisés de part leur profession, dans l'évaluation des risques industriels.

PIGE a voté une modification de statut afin d'obtenir un agrément par ltat, permettant d'ester en justice et de recevoir de nouvelles subventions.



Évin-Malmaison L’association PIGE n’est pas qu’une empêcheuse de tourner en rond

L’association Pour l’intérêt général évinois (PIGE) se bat en justice et auprès des politiques contre les conséquences de la pollution de Métaleurop. Mais elle ne veut pas se limiter à ce rôle de poil-à-gratter. Illustration lors de l’assemblée générale qui s’est tenue vendredi soir. 

Bruno Adolphi (à droite) est aidé dans ses démarches par les avocats du cabinet Green Law, ici David Deharbe et Thomas Richet.
Bruno Adolphi (à droite) est aidé dans ses démarches par les avocats du cabinet Green Law, ici David Deharbe et Thomas Richet.

Un projet de culture hors-sol

Le PIG, ou projet d’intérêt général, c’est le périmètre officiel des terres polluées par le plomb et le cadmium rejetés durant un siècle par l’usine Metaleurop. À l’intérieur de ce périmètre, certaines cultures potagères y sont formellement déconseillées. D’où l’idée de l’association PIGE (Pour l’intérêt général évinois) d’aider et accompagner les habitants qui aimeraient se lancer dans la culture hors-sol. « Nos combats ne se limitent pas à des actions en justice, souligne son président, Bruno Adolphi. On est là aussi pour aider les gens face à la situation qu’ils subissent. » Subventionnée par l’agglomération d’Hénin-Carvin, PIGE compte acheter ou, mieux, récupérer du bois de palette et faire fabriquer des bacs que les particuliers pourront remplir de terre saine. « On veut leur redonner goût à la culture potagère. »

Un avis sur la friche Renard

Tout ce qui touche à l’environnement concerne l’association : Bruno Adolphi a la ferme intention de participer au nom de PIGE à l’enquête publique sur le projet d’entrepôt logistique qui doit sortir de terre sur la friche Renard. « On n’est pas opposé par principe, mais on va quand même aller voir », glisse le président, et notamment les analyses de sols réalisées à cet endroit, qui montrent que la pollution au plomb et au cadmium ne disparaît pas et surtout que d’autres métaux lourds sont présents. Deux motifs d’inquiétude pour PIGE : le fait que le projet ne prévoit pas de dépollution – il ne serait plus économiquement soutenable – et le trafic de poids lourds que cet entrepôt va générer aux portes de la ville.

Et des actions en justice

Nous les avons évoquées très récemment : deux procédures contre l’État sont en cours au tribunal administratif. La première, fiscale, est déjà audiencée le 23 novembre. L’action dite indemnitaire, dont l’enjeu est de faire reconnaître une carence fautive de l’État, n’est pas encore programmée. Quelque 85 particuliers ont déposé un dossier. Pour préparer cette procédure, PIGE a obtenu une première victoire en référé en obligeant la préfecture à livrer des documents administratifs. « On a récupéré des kilos de documents, affirme Me David Deharbe, un de ces avocats. Certains sont très intéressants et nous ont aidé à faire notre requête. » Objectif : contraindre l’État à financer le retrait de toutes les terres polluées et faire valoir un préjudice d’anxiété.

Les terres hors PIG sont-elles vraiment saines ?

C’est LA grande question que peuvent se poser les habitants de Noyelles-Godault, Courcelles-les-Lens et Évin-Malmaison mais aussi ceux des villes voisines de Leforest, Dourges ou Ostricourt. Le PIG a d’ailleurs été revu et élargi plusieurs fois depuis sa création en 1999. Exemple avec cet Ostricourtois : lors de l’assemblée générale, il a affirmé qu’il a donné à analyser les œufs de ses poules et qu’il a découvert qu’ils contenaient du cadmium.

Une étape franchie pour les habitants d’Évin-Malmaison qui demandent la dépollution de leur terrain

Quatre-vingt-deux habitants d’Évin-Malmaison attaquent l’État devant le tribunal administratif pour obtenir la dépollution de leur terrain ou un dédommagement en conséquence. Ils viennent de franchir un premier cap : l’État qui avait jusqu’à ce vendredi pour répondre à leurs arguments n’a rien envoyé au juge.

Me David Deharbe, avocat du cabinet Green Law qui conseille les habitants, et Bruno Adolphi, président de l’association PIGE. Photo Séverine Courbe
M e David Deharbe, avocat du cabinet Green Law qui conseille les habitants, et Bruno Adolphi, président de l’association PIGE. Photo Séverine Courbe

On évoquait cette procédure au début de la semaine alors que l’agglomération d’Hénin-Carvin et plusieurs villes en entamaient une similaire  : 82 habitants d’Évin-Malmaison attaquent l’État au tribunal administratif de Lille pour carence fautive. Réunis au sein de l’association PIGE (Pour l’intérêt général des évinois) et défendus par le cabinet d’avocats roubaisien Green Law, ils estiment que l’État est responsable de la pollution aux métaux lourds de leur terrain, puisqu’il aurait sciemment laissé l’usine Metaleurop polluer durant des décennies et jusqu’à sa fermeture en 2003. Ils réclament à ce titre le décapage de leurs sols et leur remplacement par des terres saines – ou un dédommagement équivalent – et font valoir un préjudice d’anxiété.

En droit administratif, bien plus que les plaidoiries le jour de l’audience, ce sont les écrits qui comptent. Or le juge avait mis en demeure la préfecture du Pas-de-Calais, en tant que représentant de l’État, de répondre aux arguments des Évinois avant ce vendredi. Ce qu’elle n’a pas fait, pour le plus grand bonheur de Bruno Adolphi, président de PIGE.

S’il n’exclut pas que le mémoire en défense de la préfecture soit finalement rendu, hors délai, Me David Deharbe, avocat de PIGE, voit dans ce silence une grande avancée : « Qui ne dit mot, après mise en demeure, consent. On peut considérer que la préfecture ne conteste aucun de nos arguments. » Cependant, pour que les particuliers aient véritablement gain de cause, il faut que le tribunal administratif se prononce. « J’espère que le juge va mettre ça à l’audience le plus vite possible », glisse l’avocat. La partie n’est pas encore gagnée.



Dernières nouvelles





Dans le Pas-de-Calais, le drame persistant du site le plus pollué de France

Durée de lecture : 8 minutes

janvier 2021 Nina Soyez (Reporterre)

     


Les rejets séculaires en métaux lourds ont fait de l’ancienne fonderie le site industriel le plus pollué de France à sa fermeture. L’État a fait preuve de « complicité » dans cette gigantesque pollution dont les effets sont toujours présents, selon l’avocat des habitants qui se battent pour en faire reconnaître les dommages.

L’histoire de Metaleurop ressemble à celle d’une usine du bassin minier comme on en connaît tant d’autres : florissante à l’âge industriel, dévastatrice à sa fermeture. Implantée depuis 1894 sur les communes de Noyelles-Godault et Courcelles-lès-Lens, à une dizaine de kilomètres de Douai, Metaleurop a été un fleuron de l’industrie métallurgique française. Sa production colossale pouvait monter jusqu’à 130.000 tonnes de plomb et 100.000 de zinc par an.

Les anciennes générations ont grandi avec ses épaisses fumées noires qui sortaient au loin de l’emblématique cheminée de cent mètres de haut. En 2003, sa fermeture brutale « sans préavis ni plan social » annoncée par communiqué — Jacques Chirac qualifia alors ses représentants de « patrons voyous » — laissa sur le carreau plus de 800 salariés.


Tableau de mesures d’une partie des métaux lourds rejetés par Metaleurop depuis 1970.

De son aspect physique, il ne reste rien de l’usine. Suez a repris le site et mis en place une activité de « recyclage et valorisation », en partie de déchets dangereux, comme on peut le lire sur le panneau de l’entrée. Mais il reste la trace indélébile de la pollution, considérable, de Metaleurop. Dans un point d’information de 2001, la Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) fait état de « 18,3 tonnes de plomb canalisé, [...] 10 à 15 tonnes de rejets diffus, 0,8 tonne de cadmium, 26 tonnes de zinc et 6.800 tonnes de dioxyde de soufre », causant « une pollution des sols d’une ampleur singulière ».

Ces résultats mettent alors en évidence la nécessité mais aussi l’urgence « que des mesures soient prises », écrit encore la Dreal. Seulement, il a fallu attendre près de trente ans après les premiers relevés, pour qu’elles commencent timidement à se mettre en place. « À la mine, on disait qu’il y avait la silicose, mais à Metaleurop on ne disait rien », se souvient Bruno Adolphi, habitant d’Évin-Malmaison — commune la plus exposée aux rejets de poussières de plomb de l’ancienne fonderie classée Seveso — et président de l’association Pour l’intérêt général des Évinois (PIGE) qui se bat pour faire reconnaître les nombreux préjudices causés par la pollution.


Bruno Adolphi devant le local de l’association PIGE à Évin-Malmaison.

Un nom qui fait référence au Plan d’intérêt général (PIG) mis en place en 1999 par les pouvoirs publics, et imposant des restrictions d’urbanisme, notamment dans l’utilisation des sols désormais reconnus pollués. Les hectares ont alors été divisés en deux zones : la zone 1 regroupant les concentrations les plus dangereuses de plomb, supérieures à 1.000 ppm (parties par million), tandis que la zone 2 indiquait les concentrations entre 500 ppm et 1.000 ppm. Des frontières « utopiques » estime Bruno Adolphi, qui « contournaient les écoles, les mairies » et « n’avaient rien à voir avec la réalité ». Il montre du doigt le trottoir d’en face : « Vous voyez ce champ, là, il n’est pas pollué [selon le plan], mais l’habitation qui se trouve juste derrière l’est ! C’est aberrant. »

Pour le retraité, le PIG est aussi la preuve d’un manquement de la mission protectrice de l’État, qui aurait dû faire payer directement les responsables de cette pollution : « Une demande de servitude d’utilité publique (SUP) — définie aussi dans le code de l’urbanisme et qui aurait obligé Metaleurop à indemniser les habitants — a été prescrite en 1998. Mais le directeur de l’usine a demandé expressément au préfet de ne pas l’appliquer [...] Metaleurop employait énormément de personnel, c’était plus ou moins du chantage à l’emploi ». Cinq ans plus tard, la liquidation de l’usine a enterré tout espoir de réparation de la part de l’exploitant.


Mesures prises dans le jardin de Bruno Adolphi et effectuées par l’ISA (Institut Supérieur d’Agriculture) en 2011-2012.

Quand Jean-Jacques Lenort a acheté sa maison en 2001 à Évin-Malmaison, le notaire lui avait simplement conseillé de « bien rincer ses légumes » s’il prévoyait de cultiver quoi que ce soit dans son jardin. Le PIG, il n’en a entendu parler qu’à la fermeture de l’usine, en 2003 : « On n’en parlait simplement pas. Personne n’a rien fait et on nous a tout caché », raconte l’Évinois qui voyait les fumées depuis sa cuisine. « Mais quand je fermais les volets, il y avait des odeurs qui picotaient les yeux. Ils dégazaient la nuit à l’insu des habitants. » De l’autre côté de l’autoroute, à Courcelles-lès-Lens, Georges Milan, ex-salarié de Metaleurop, vit au pied du site de l’ancienne usine. Après avoir traversé la période douloureuse « [qu’]il ne souhaite à personne » d’un licenciement brutal à quarante-cinq ans, il a « accusé le coup comme tout le monde » quand il a su que sa maison se trouvait sur le PIG. Mais pour lui, « l’État aurait dû agir il y a cinquante ans, quand la pollution avait lieu ».

En 2014, le PIG est étendu. Il s’étale désormais sur cinq communes et concerne 24.000 personnes : « Onze ans après, les concentrations en métaux lourds, et notamment en cadmium, étaient encore élevées », raconte Bruno Adolphi, qui a décidé alors de se mobiliser avec plusieurs riverains. « Notre première préoccupation a été de demander à la préfecture ce qu’elle mettait en place pour nous éviter des problèmes de santé. » En 2017, l’Agence régionale de santé (ARS) a été mandatée pour effectuer des analyses sur un échantillon d’habitants des trois communes les plus touchées. Résultat : près de 35 % des 927 personnes dépistées présentent des taux anormaux de cadmium. Selon l’ARS, la moyenne se rapproche de celle de l’ensemble du Nord-Pas-de-Calais et ne permet pas de souligner une « surimprégnation ».

Troubles rénaux et saturnisme

Seulement, de récentes études scientifiques internationales questionnent fortement ce résultat : la quantité de créatinine ayant servi de seuil pour définir la toxicité s’est avérée deux fois trop grande. Une exposition chronique peut pourtant entraîner de graves troubles rénaux et osseux. Avant le cadmium, les rejets de plomb avaient, eux, déjà causé des plombémies parfois deux fois supérieures à la moyenne chez des jeunes enfants. De nombreux cas de saturnisme ont aussi été détectés au fil des années.

Les batailles de l’association Pige ne s’en sont pas arrêtées là. La première victoire a été d’obtenir la prise en charge totale par l’État des frais du décapage des sols, devenu obligatoire depuis 2014 pour tout habitant souhaitant construire sur son terrain. En 2016, un « abattement Metaleurop » a été voté à l’Assemblée nationale, validant une baisse de 50 % de la taxe foncière pour l’ensemble des habitants vivant sur le PIG.

La même année, l’avocat de l’association, David Deharbe, du Cabinet Green Law, a suggéré d’engager une action en carence fautive de l’État : « Cette pollution a été rendue possible par celui qui contrôle l’exploitant et qui délivre les autorisations, explique-t-il. La pollution de Metaleurop a été singulière en ce qu’elle a été permise. On est face à une question de complicité de l’État. » Ainsi, quatre-vingt-cinq requérants, parmi lesquels Adolphi et Lenort, ont déposé un recours indemnitaire pour préjudice de santé, d’anxiété et immobilier.

Un recours pour préjudice écologique

Me Deharbe a aussi engagé un recours pour préjudice écologique « causé à la nature et au service que rend la nature à l’homme ». Une démarche qu’a également entreprise le président de la communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin Christophe Pilch, qui souhaite faire reconnaître le « préjudice environnemental immense » que l’usine Metaleurop « a laissé derrière elle ».

Pour d’autres, le préjudice est économique. Les agriculteurs, un temps indemnisés, ne le sont plus. Avec l’agrandissement graduel du PIG, certains se sont retrouvés avec la majorité de leurs terres concernées. Leurs récoltes ne pouvant plus être utilisées, il a fallu s’adapter. Sur les bords de route, les champs d’herbe à éléphant, le miscanthus, reflètent les rayons de soleil sur leurs épis ocre. La plante herbacée, qui remplace désormais certaines cultures, sert majoritairement de combustible pour le chauffage.


L’herbe à éléphant, appelée miscanthus, est majoritairement utilisée comme combustible pour le chauffage.

Il a aussi fallu trouver d’autres voies. À Dourges, ville bordant l’ancien site industriel, un méthaniseur sera bientôt construit et alimenté à 70 % en plantes et céréales. « C’était la seule solution pour continuer à travailler », explique Denis Desrumeaux, agriculteur depuis trente ans à Flers-en-Escrebieux. À près d’une dizaine de kilomètres du site, 10 % de ses terres sont touchés par le PIG. Sur le plan, « le trait était tout droit, s’étonne l’agriculteur. Comme si la pollution s’arrêtait tout net. Mais ça doit être scientifique », ironise-t-il. Surtout que la pollution de ses terres, Denis Desrumeaux l’expliquerait plus facilement par l’usine Nyrstar, beaucoup plus proche que Metaleurop. Une usine métallurgique en fonctionnement depuis près d’un siècle et qui produit … du plomb et du zinc. « Mais on ne sait encore rien des risques. L’usine est toujours en activité. »


• En 1989, Reporterre, qui existait alors comme un magazine papier avait mené une enquête sur Metaleurop, sous le titre « Plombée pour l’éternité ». La voici en téléchargement :




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